60 ans d’aéronautique [Pascal Beau]

Pendant plus de 60 ans les villages aux alentours de la Base Aérienne de Toul Rosières ont été imprégnés par l’activité fourmillante déployée par les armées américaines et françaises, Saizerais tient une bonne place dans le livre d’histoire de cette base.

Ce texte a été rédigé par Pascal Beau à l’occasion de l’exposition organisée par l’association TRAB 136 à Saizerais les 4 et 5 décembre 2004.

Les balbutiements de l’aviation militaire sur le site commence, bien avant 1944 et pour cause, c’est en 1916 pendant le 1er conflit mondial qu’un tracé de piste est mis en oeuvre à Rosières. Cependant, à quelques centaines de mètres de là, au sud de la R.N. 411 actuelle, sur le territoire de Saizerais existe déjà un petit aérodrome, au lieu dit “Les brûlés”. On y arrive en sortant de Saizerais direction Rosières, en prenant le chemin dit de “l’aviation” qui monte vers la baraque de chasse et en tournant à droite en face de celle ci. Une escadrille d’avions de reconnaissance biplaces en toile, des Caudrons et des Farmans armés de carabines Winchester à répétitions y stationnaient.

Un petit film tourné, à l’époque, par les armées américaines et retrouvé dans des archives de l’université de Dallas (Texas) l’atteste, on entend bien dans le commentaire, le nom de SAIZERAIS.

Avec l’armistice de 1918, tout s’arrête. En 1939, la guerre menace de nouveau. Un détachement de l’armée anglaise reprend l’aménagement du site de Rosières et trace à l’aide d’une charrue une piste de 900 m, du matériel arrive, on débroussaille, et installe quelques baraquements.
En 1940, la France est envahie et vaincue, tout s’arrête de nouveau.

En 1944, les américains débarquent, ils libérent Rosières et Saizerais le 3 septembre. Ils décident à ce moment là de construire une base opérationnelle avancée afin d’appuyer la percée de leurs armées sur la Moselle. Plus de 500 hommes de Saizerais et des environs y travailleront, notamment à l’abattage des arbres, au terrassement et à la construction de la piste.

Après 69 jours de travail dont 43 jours de pluie sans discontinuer, après avoir effectué 400 000 heures de travail, déplacé 90 000 tonnes de pierres et de gravier, posé 900 mètres de plaques d’envol, la piste A 98 est déclarée opérationnelle. Hélas, les premiers appareils, des Thunderbolt et des Dakota sont trop lourd. Ils détériorent le revêtement qu’il faut sans cesse réparer.

Les avions effectuent des rotations incessantes vers le front, notamment les forts de Metz, ils reviennent criblés de balles allemandes. L’histoire raconte que l’un deux s’est posé sur le ventre dans la neige juste en haut de Saizerais. L’histoire raconte aussi que les pilotes américains casernés dans les communes alentours s’oubliaient dans de joyeuses agapes après leurs périlleuses missions, et que ceux qui étaient stationné à Saizerais étaient particulièrement bruyants.

Après l’armistice de 1945, la base est abandonnée et les terrains retournent à l’agriculture.

Une base de l’armée américaine.

Les américains reviendront en 1952, et feront de Rosières la base la plus importantes de l’OTAN sur le territoire français.

En 1957, c’est une petite ville américaine de 3500 personnes qui fourmille avec tout ce qu’il faut pour bien vivre: une école de 13 classes, un cinéma, un BX supermarché, un bowling, un gymnase, un hôpital avec 2 salles de chirurgie, une maternité, une caserne de pompier, une blanchisserie, une gare, une station service, un tribunal, une prison et une chapelle ou l’on célèbre les trois cultes, catholique, protestant et israélite. Cependant, plusieurs centaines de familles logent chez l’habitant à plusieurs kilomètres à la ronde.

C’est à cette époque, qu’il est décidé de construire 2 villages style US, un à Toul “Régina village” et un à Saizerais Liverdun “Toulaire”. Toulaire comprend 320 pavillons, dont 138 pour les officiers. Toulaire est construit sur les terrains de l’ancienne ferme de la Neyette. Afin de sécuriser l’accès depuis la base, la route traversant la forêt de Saizerais, au niveau du château d’eau actuel, a été surélevée et redressée.

Par la suite, le tronçon du CD90b entre Saizerais et Toulaire sera élargi, et les virages du calvaire modifiés.

Qui ne se souvient de ces incessants allers et venues entre la Base de Rosières et Toulaire, dans la traversée de Saizerais par les Bus scolaires et les camions GMC, de toutes ses grosses voitures américaines au noms prestigieux, Buick, Pontiac, Cadillac et autres Chevrolet pour qui nos rues étaient trop étroites et qui avaient fières allures à côté de nos dauphine et 4 CV. A cette époque, deux styles de vie se cotoyent: Le lorrain est naturellement réservé, l’américain est expansif. Le hamburger et le Coca-Cola s’oppose au pot au feu et à l’oberlain.

Malgré tout des amitiés se nouent et certains américains apprécient la bonne cuisine française, on raconte même que le ravitailleur en pain américain de Toul rosières repartait tous les jours avec quelques dizaines de baguettes de pain frais confectionné par monsieur Bonetti, le boulanger de Saizerais. En juillet 1965 un jeune prêtre de Saizerais dira une première messe dans la chapelle de la base.

Le village de Rosières en haye, à l’époque, comptait 110 habitants , pourtant à l’état civil de la mairie on ne chaumait pas: en 12 ans, monsieur le maire a enregistré 3 300 naissances, célébré 186 mariages de soldats américains avec des étrangères dont 95 avec des françaises. Il était sollicité journellement, on venait même le chercher dans sa ferme, je m’en souviens personnellement, le maire de l’époque était mon grand père maternel.

Les américains quittent rosières le 21 mars 1967 emmenant avec eux leurs célèbres “F 4 Phantom” impressionnant de taille et de bruit au décollage et qui traînait derrière eux une épaisse fumée noire.

L’armée française reprend la base de Rosières.

Les Phantom sont bientôt remplacé par les F100 de l’armée française. Après d’important travaux de réhabilitation effectués par des entreprises locales, le site accueille la BA 136 à Rosières et ce pour trois décennies. La vie et les exercices militaires vont bon train. La population militaire est très importante, de nombreux civils sont employés sur la base. On se souvient alors, qu’il était très difficile de traverser la route nationale à Saizerais, aux heures d’entrée et de sortie de la base aérienne.

Les Jaguar remplaceront les F100 super sabre en 1975. De nombreuses cérémonies ont jalonnées cette époque, 18 prises de commandement, visites officielles d’hommes politique, de chefs d’état français et étrangers ont marqués ces 30 années de présence militaire. Le futur spationaute Patrick Baudry a été pilote de chasse à Rosières de 1971 à 1977.

Les exercices Militaires de dimension européenne permettaient de voir évoluer dans le ciel lorrain des avions que nous ne connaissions pas. On se souvient encore des très populaires journées portes ouvertes qui drainaient un monde fou avide de sensation et qui voulait côtoyer un instant les monstres de mécanique que sont les avions de combat. On se souvient aussi de l’année 1976 marquée par une grande sécheresse, en accord avec l’armée, les agriculteurs de la région ont pu gracieusement utilisés la voie ferrée de la base pour rapatrier des fourrages depuis les plaines céréalières de la Marne. Solidarité encore avec les populations civiles qui voyaient arriver avec une rapidité impressionnante les pompiers militaires lorsqu’un incendie se déclarait ou qu’un accident de la route avait lieu.

Le 18 mars 1981 le colonel Georges Phelut, au commande de son Jaguar, s’écrase aux abords de Martincourt, il donnera son nom à la BA 136 de Rosières. Aujourd’hui le site est en dormance, gageons qu’il se réveille bien vite et apporte une activité aussi dynamique que l’on apporté ces 60 années militaires.

Pascal Beau

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