Adrien Toussaint, du Tour de France à la Résistance [Anne Scharff]
La Grande Boucle.
Adrien Toussaint voit le jour à Saizerais le 21 juillet 1895.Le 26 août 1914, alors qu’il a juste dix neuf ans, il signe un engagement volontaire pour la durée de la première Guerre Mondiale où, poilu, il se distingue par sa bravoure et son patriotisme.
Il recevra d’ailleurs la Croix du Combattant volontaire, la Croix de Guerre avec deux citations, la Médaille de Verdun et la Médaille du Courage et du Dévouement.
De retour au village, il apprend la mécanique et s’installe à son compte en ouvrant un magasin de cycle route nationale. Passionné de la petite reine et sportif dans l’âme, il effectue à quatre reprises la Grande Boucle en 1924, 1925, 1926 et 1927. Il vécu ainsi la grande épopée du Tour de France. Des cartes postales à son effigie seront même éditées.
Dans les années 1970, les organisateurs du Tour rendront hommage à Adrien en déposant à plusieurs reprises une gerbe sur sa tombe avant le sprint des champions, route nationale, se disputant les primes offertes par la famille et la commune.
Quelques années passent, Adrien a épousé Léa qui lui a donné trois filles dont une, Georgette, épouse Hilaire, réside toujours dans notre commune.
Adrien Toussaint vient tout juste d’acquérir une ambulance quand la deuxième Guerre Mondiale éclate. Il ne se doute pas encore que celle-ci servira de taxi ambulance pour la Croix Rouge et fera » sa résistance « .
La résistance.
Dès 1941 la Résistance s’organise à Saizerais qui a l’honneur d’être à l’origine de la Résistance dans tout le secteur de Pont-à-Mousson. C’est de là que sont partis les premiers journaux, les premiers noyaux actifs, les premiers mots d’ordres, les premières armes parachutées. (Extrait de » quatre années de lutte clandestine en Lorraine » par Nicolas Hoham d’après le journal de marche du lieutenant Munch-Lidun).
Intégré au mouvement » Lorraine « , nom emprunté au journal distribué par lui-même (qui en est le principal animateur) et d’autres compagnons sur toute la région, Adrien Toussaint devient le Lieutenant » LACROIX « .
En 1942, il fait parti d’une équipe de réception de parachutages nocturnes (des anglais en Meuse) pour le compte du BOA (bureau des opérations aériennes).
Infatigable, chef d’un groupe BOA, il parcourt les routes de toute la région (Meurthe et Moselle, Meuse,Marne et Vosges) en tant qu’agent de liaison.
Agent P2 pour Londres, il devient organisateur de » coups de mains » (il participe aux arrivages de matériel et de personnes à Verdun) et agent centralisateur de renseignements pour la Lorraine.
Il accueille chez lui des évadés, des responsables parisiens et nancéiens, des anglais, des enfants Juifs sauvés de la déportation, tous voulant atteindre la zone libre. Il les héberge et les nourrit avec ses deniers personnels.
Georgette se souvient : » j’allais avec mes parents dans les campagnes environnantes chercher du ravitaillement pour nourrir tout le monde ; des œufs, du fromage, du beurre… « .
Après une nuit de repos à Saizerais, Adrien transportait tous ces gens aux gares de Nancy, Neufchâteau et Saint-Dizier.
Il aide au passage de nombreux clandestins grâce à son ambulance.
En 1943, il transporte de plus en plus fréquemment de faux malades. C’est tantôt Colette sa fille âgée de 6 ans, atteinte d’appendicite, tantôt François Munch, également âgé de 6 ans qui s’allongent sur le brancard au dessous duquel s’amoncellent armes, explosifs, papiers et journaux compromettants. Le passager qui accompagne le malade est souvent un agent de l’I S, de l’A S ou du BOA.
Dès janvier 1944, Adrien est à la tête d’une organisation de station radio. Il accueille Romain, un opérateur radio travaillant pour le BOA. Depuis la maison familiale, ce dernier émet tous les deux jours.
Adrien est continuellement sur la route. Le lieutenant Munch-Lidun lui donne vainement des conseils de prudence : » il faut y aller » répondra Lacroix. Les coups durs se multiplient chez leurs amis de Nancy et du BOA.
Le jeune Romain est arrêté au mois de mars 1944. Martyrisé par les SS, subissant la torture, il » dénoncera » le lieutenant Lacroix.
La Gestapo localise Adrien et c’est le 31 mars 1944 à 7 heures du matin qu’elle coffre le Résistant.
Georgette se rappelle ce moment terrible : » on était tous au lit, lesboches sont arrivés avec les fusils. Je m’étais dit : s’ils viennent, je me sauverai par le jardin. Les gens nous ont dit : il y avait desboches partout derrière chez vous, il avaient encerclé tout le quartier « .
Le lendemain, Saizerais sera brûlé.
L’agent P2, déporté à Neuengamme subit sans faiblir les interrogations et les tortures de la Gestapo.
Le retour des camps.
Libéré par les Anglais, il reviendra des camps de la mort en juin 1945 retrouver, non sans émotion, sa famille et son village. Il ne pèse plus que 37 kilos et a subi l’amputation d’un doigt à la suite des mauvais traitements qui lui ont été infligés.
Pour ce sacrifice, il sera décoré de la Médaille commémorative 1939-1945, la Médaille de la Résistance, la Médaille Militaire, La Croix de Guerre avec Palme et Citation et la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1946.
Adrien reprend lentement des forces et dans sa retraite de Saizerais, son plus grand plaisir consiste à mettre au point les montures des jeunes champions locaux et à répondre aux interviews des journalistes qui lui demandent ses pronostiques pour le Tour.
Lorsqu’il s’éteint en 1951 à l’âge de 56 ans, sa famille ne possède plus rien et pour Léa et ses trois filles, tout est à refaire.
Ce n’est que le 11 novembre 1985 que la municipalité réparera » l’oubli » et rendra hommage à Monsieur Toussaint en dévoilant son nom sur le monument aux morts pour la France. Pendant cette cérémonie, le Maire, Monsieur Claude Déleys tiendra un discours solennel en l’honneur de ce héros des deux guerres.
Ardent patriote, Adrien Toussaint a été l’un des premiers de la Résistance Lorraine. Déployant une activité inlassable il n’a cessé de faire preuve d’un dévouement et d’un courage au dessus de tout éloge. Il fut guidé par une foi patriotique hors du commun.
A l’heure où les » mémoires vivantes » de notre histoire parcourent la France à la rencontre des écoliers, lycéens et étudiants afin qu’ils n’oublient pas, voilà un combattant à honorer et à raconter à nos jeunes Saizerillons !
Anne Scharff
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