Des origines de Saizerais à l’aube du XXe siècle [Samuel Germain]
Introduction.
Il n’est pas d’humble village qui n’ait son patrimoine de souvenirs, écrivait René Perrout en 1911 en présentant aux lecteurs l’histoire de Mattaincourt que venait d’écrire Fourier Bonnard. Cette phrase me revint à la mémoire au moment où j’acceptai, à la demande de M. l’abbé Noisette, ancien aumônier du Collège de Lunéville et curé de Saizerais, d’écrire ces quelques pages pour le centenaire de l’ouverture du culte dans sa « grande église ».
Ce n’est pas un travail de spécialiste d’histoire ou d’archéologie – je ne suis ni l’un ni l’autre – que j’offre ainsi au public, mais tout simplement un récit, basé sur des documents sûrs puisés chez les meilleurs auteurs et dans les archives départementales et communales, récit dont le but est de retracer, a l’intention de ses habitants et de ses visiteurs, les grandes lignes de la vie d’un village lorrain bien attachant, à plus d’un point de vue, en raison de sa situation même, à égale distance de la forteresse de Liverdun, qui rappelle les évêques de Toul et de Scarponne la Romaine et presque au centre de la grande boucle de la Moselle, rendue fameuse par la trinité féodale dont parle Henri Lepage, constituée par les célèbres châteaux des ducs de Lorraine à Frouard, des comtes de Bar à l’Avant-Garde et des évêques de Metz à Condé (Custines).
Quelle évocation d’histoire lorraine!
La formation du village.
Nous venons de vous présenter Saizerais ; nous aurions dû écrire les Saizerais, suivant la forme ancienne. Et, pour situer les deux villages ouvrons la Description de la Lorraine et du Barrois de Durival historiographe du XVIIIe siècle: nous y lisons :
« Saizerais St Amand, village à trois lieues et demie au nord-ouest de Nancy et à deux lieues et demie de Pont-à-Mousson. L’église est annexe de celle de Saizerais Saint-Georges, au diocèse de Toul, et a pour patron saint Amand.
Saizerais Saint-Georges (Caesaris arces), village à un quart de lieue à droite de la chaussée de Nancy à Saint-Mihiel. L’église est paroissiale, au diocèse de Toul, et a pour patron saint Georges; elle a pour annexe Saint-Amand qui est à gauche de la chaussée. Un peu plus loin, aux Quatre-Vents, près de Rosières-en-Haye, cette route est croisée par celle de Toul à Metz. Les Saizerais ne sont qu’une communauté et le maire se prend alternativement dans l’un et dans l’autre. La cense de Saint-Paul en dépend : elle est entre Saint-Amand et Liverdun ».
Les origines du nom.
Le nom latin de Caesaris arces donné par Durival a fait penser qu’un camp romain, ou tout au moins de petits postes fortifiés, auraient existé sur les hauteurs qui dominent Saizerais, à proximité de la voie antique de Toul à Scarpone, qui n’était elle même qu’un tronçon de la voie consulaire de Lyon à Trèves.
Henri Lepage, après avoir admis cette hypothèse dans saStatistique de la Meurthe, ouvrage du XIXe siècle, la discute ensuite, non sans souligner toutefois, avec l’archéologue Beaulieu, qu’en 1760, on a trouvé, sur le bord de la voie romaine, à l’extrémité ouest du territoire de Saizerais vers le ban de Rogéville, deux statuettes du dieu Mercure, l’une en argent, l’autre en bronze, et une pierre gravée au nom de PUBLIVS SEVERVS, inscription de borne ou fragment de légende monumentale évoquant probablement un empereur du IIIe siècle.
Une origine romaine.
Saizerais peut donc très bien avoir une origine romaine, car, selon l’érudit Edouard Salin, il appartient à ces régions de la Gaule Belgique qui furent très peuplées tant que dura l’empire et. sa situation pouvait être privilégiée puisque de nombreuses villas ont été signalées au voisinage de la grande voie de Lyon à Trêves et que les deux seules localités de la région qui figurent dans l’itinéraire d’Antonin et sur la table de Peutinger sont précisément Toul et Scarpone, reliées par la route qui passait sur le territoire de Saizerais…
Quoi qu’il en soit, c’est seulement en 1188, dans une charte de l’évêque de Toul, Pierre de Brixey, au sujet de la collégiale de Liverdun, qu’il est question pour la première fois des deux Saizerais (de utroque Sasireis) et c’est de la section Saint-Georges qu’il s’agirait déjà en 965, sous la dénomination Sasiriacum, dans un diplôme de l’empereur Othon au sujet de la confirmation de la fondation de l’abbaye de Bouxières-aux-Dames, établie vers le milieu du Xe siècle par saint Gauzelin, 32e évêque de Toul, sur les ruines d’un ancien oratoire dédié à la Vierge.
Il est question aussi de saint Amand au Xe siècle puisqu’en 923 son église est citée sous le nom d’ecclesia in honore sancti Amandi in villa Sasiriaca.
Saint Georges (Georgius) est le fameux martyr d’Asie Mineure, sous Dioclétien, très honoré en Lorraine à partir du IIIe siècle et dont la fête est le 23 avril.Quant à saint Amand {Amandus), missionnaire en Austrasie et dans les Gaules, apôtre des Flandres et évêque de Maëstricht, il vécut de 589 à 684. C’est lui qui baptisa saint Sigisbert, si connu dans notre diocèse et patron de la ville de Nancy. La fête de saint Arnaud tombe le 6 février.
Saizerais domaine de l’Avant-Garde.
Il est parlé de Saizerais à partir du XIIe siècle dans divers titres concernant des bénéficiaires. C’est ainsi qu’en 1180 Pierre de Brixey y possède des pâturages (paturas de Sasera). En 1305, un nommé Simon de Valmeis vend au comte de Bar, Edouard Ier, tout ce qu’il possède « ès deux Saizerais » et c’est ainsi qu’en 1365, Robert, qui a pris le titre de duc de Bar en 1354, devient seigneur principal de Saizerais dont la communauté va dépendre pour des siècles du fameux domaine de l’Avant-Garde.
L’Avant-Garde était une forteresse du comte de Bar élevée sur la hauteur qui domine Pompey, qui s’opposait au château de Condé (Custines) bâti par l’évêque de Metz et à celui de Frouard qui appartenait au duc de Lorraine. L’Avant-Garde devint définitivement lorrain par le mariage de René d’Anjou, arrière-petit-fils de Robert, avec Isabelle, fille du duc Charles II et différents seigneurs s’y succédèrent. entre autres le célèbre Louis de Lorraine, prince de Phalsbourg, époux de la belle et altière Henriette de Lorraine, sœur du duc Charles IV. La forteresse fut démolie par Louis XIII en 1636 et il n’en reste plus que des pans de murs que le voyageur distingue à peine à travers la végétation qui les recouvre, mais la prévôté de l’Avant- Garde subsista jusqu’en 1751.
Gros Saizerais et Petit Saizerais.
À partir du XIVe siècle on trouve couramment la mention : « Les grande et petite Saizerais ». Aujourd’hui encore, on dit « le gros Saizerais » pour Saint-Amand, et « le petit Saizerais » pour Saint-Georges.
Mais la communauté est le plus souvent désignée sous le nom unique de Saizerais, en particulier dans les comptes du Receveur de l’Avant-Garde.C’est dans ces comptes qu’il est fait mention en 1501 du chemin des Pèlerins allant à la Croix de Saizerais.
Ces vocables, complètement ignorés aujourd’hui, peuvent se rapporter à saint Euchaire.Saint Euchaire aurait été décapité en 362 au confluent de la Meurthe et de la Moselle, dans les environs de Pompey. Après son martyre, le saint aurait pris dans ses mains sa tête ensanglantée, aurait couvert quelques kilomètres, et se serait affaissé aux approches de Liverdun, où il fut enseveli. Quelle que soit la valeur de la légende, il est certain que saint Euchaire était honoré comme martyr à Pompey dès le haut Moyen Age et que son corps se trouve à Liverdun, dans l’église collégiale; depuis le XIIe siècle.
On voit encore, sur le chemin de Liverdun à Saizerais, une grande croix de pierre portant une sculpture représentant d’un côté un homme à cheval semblant porter sa tête sur sa poitrine, et de l’autre le Christ entre les deux larrons. D’après Henri Lepage, elle daterait de 1289 : on l’appelle la Croix de Saint-Euchaire. C’est vraisemblablement d’elle qu’il s’agit en 1501 sous le nom de Croix de Saizerais à laquelle on se rendait par la route de Saint-Amand à Liverdun, appelée alors chemin des Pèlerins.
Le vin de Saizerais.
Les autres pièces antérieures aux guerres du XVIIe siècle se rapportent aux terres, aux échanges entre seigneurs, aux taxes diverses. Ainsi, en 1611, il est question de la cense de Saint-Paul sur le chemin de Liverdun. Cette cense appartenait à Louis de Guise, baron d’Ancerville, le futur prince de Phalsbourg. Elle était située à 2 kilomètres environ de Saint-Amand et ne disparut, selon l’archéologue Olry, que vers 1850. Ses pierres furent utilisées pour bâtir une ferme en bordure de la route nationale.
Le prince de Phalsbourg jouissait, en 1627, de 12 francs de rente sur les habitants de Saizerais pour les 480 arpents de terres qu’il leur louait. Il possédait aussi des forêts sur le territoire, et en 1636, ses officiers – remarque curieuse – ordonnent une amende contre des habitants « trouvés paiselant dans les bois », c’est à dire coupant des arbustes pour en faire des « paisseaux » pour leur vignes. Le vin de Saizerais était d’ailleurs réputé…
Les ravages de la peste et de la guerre.
Mais voici la fin du premier tiers du XVIIe siècle et avec elle le malheur des guerres. Après de mauvaises récoltes en 1628 et 1629, la peste cause des ravages en 1630 et 1631 et jette la panique parmi les habitants qui ne trouvent de consolation que dans une dévotion extraordinaire à Saint Roch, qui guérit tant de pestiférés au XIIIe siècle. Le danger passé, le saint est presque oublié : à défaut d’église, depuis la disparition de celle de Nancy à la Révolution, on ne trouve dans le diocèse que quelques chapelles dédiées à saint Roch…
A partir de 1632, la Lorraine est envahie par les soldats français que viendront rejoindre, en 1635, les Suédois, de triste mémoire. Le blé est réquisitionné, les localités écrasées de lourdes impositions ; nos villages dépeuplés souffrent des malheurs de la guerre. A Saizerais les deux hameaux furent ruinés et inhabités pendant près de dix ans, de 1639 à 1649. En 1639, le Receveur de l’Avant-Garde ne prélève plus rien « à cause qu’il n’y a plus que 4 ou 5 personnes et que les terres sont en friches ». Pendant toute cette douloureuse période, la Lorraine dut beaucoup à la charité de saint Vincent de Paul. S’en souvient-on assez ?
Pour comble de malheur, alors que les réfugiés rentraient et remettaient les terres en état, le Receveur note en 1649 que « les deux villages ont été de nouveau ruinés par l’armée de M. d’Erlac qui a séjourné ès dits lieux» La paix signée, en 1648, en Westphalie entre la France et l’Allemagne fut en effet la cause de nouveaux maux pour la Lorraine. L’armée française, venant des rives du Rhin, vécut un certain temps sur le pays.
La paix retrouvée.
Mais tout a une fin : le traité de Ryswick de 1697 rétablissait Léopold dans les duchés, ouvrant une période de paix et de prospérité.
Les deux villages formaient, au début du XVIIIe siècle, une communauté composée d’environ 50 ménages, dont 22 à Saint-Georges, et 28 à Saint-Amand.
Saizerais dépendait toujours de la prévôté de l’Avant-Garde dont les officiers choisissaient le maire alternativement dans chaque hameau. Le duc Léopold abandonna des fractions de seigneurie à des personnages dont le nom revient souvent dans les archives, comme Charles Parisot, conseiller en la chambre des Comptes, le chevalier de Tillon, etc…
Une déclaration des habitants faite en 1738 dit que la communauté possédait environ 1 800 arpents de bois, 300 arpents de terres et 90 de pâquis (l’arpent de Saizerais valait un jour et demi de Nancy, soit 30 ares environ).
La dîme se payait à l’onzième, soit une gerbe tous les 2 trézeauxqui étaient alternativement de 5 et 6 gerbes. C’est le chapitre de Liverdun qui tirait les dîmes de Saint-Amand, et les chanoinesses de Bouxières celles de Saint-Georges.
Les deux églises.
Dès 1146, l’église Saint-Georges est indiquée comme l’église-mère des Saizerais, Saint-Amand, quoique signalée plus tôt, étant regardée comme annexe. « Ce qui prouve la primauté de Saint-Georges, dit une pièce de la fin du XVIIe siècle, c’est que le curé y réside et que sa maison a une origine très reculée. » Un titre de 1657 signale des réparations à la toiture de l’église Saint-Georges «qui était toute ruinée par les guerres ».
La maison de cure fut remaniée en 1703 et 1750, comme en temoignent encore maintenant les marques extérieures du XVIIIe siècle et la remarquable charpente tirée du bois délivré en 1744 par la gruerie de l’Avant-Garde.
Le patronage de la cure appartenait au chapitre de Liverdun qui y déléguait un chanoine. Le chapitre fournissait les hosties et le vin de messe tiré d’une vigne appartenant à la collégiale. De même le revenu d’un canton de terre dit « de la lampe » servait à acheter l’huile de la lampe des deux églises. Les habitants fournissaient ce qui était nécessaire au culte, mais étaient aidés, soit par les chanoines de Liverdun (en 1718 ils achètent un missel pour 12 livres, soit par les chanoinesses de Bouxières (chasubles de soie achetées en 1773).
Depuis la suppression du chapitre de Liverdun au début du XVIIIe siècle, il n’y eut que trois curés jusqu’à la Révolution : MM. Pabouillot, Masson et Bruant.
L’église Saint George.
Elle était située presque à l’extrémité du hameau, dans l’angle formé par le pâté de maisons qui touche an chemin de Pont-à-Mousson et par la maison de cure. M Boulangé, instituteur, dans sa notice de 1888, dit qu’elle était de style roman. C’est vraisemblable. D’après le seul plan à petite échelle qui nous reste, on peut dire qu’elle était à nef unique, sans transept, à abside à fond plat terminée par la sacristie. La tour était engagée en partie dans la nef. Un document de 1850 dit qu’elle ne contenait que 120 places et qu’elle avait été modifiée et réparée plusieurs fois. Le cimetière était autour de l’église.
D’après la tradition populaire, c’est à l’église Saint Georges que se trouvait la belle armoire eucharistique qui a été rapportée dans l’église actuelle, dans la chapelle des fonts, mais l’oculus extérieur à disparu.
Les anciens disaient de la colombe qui surmonte l’encadrement gothique « on dirait une chavotte ». D’où le nom de « chavottes » donné autrefois aux gens du petit Saizerais.
L’église Saint Amand.
Elle se trouvait à 80 mètres environ à gauche de la route de Nancy à Saint-Mihiel dans l’espace compris entre les prolongements des deux chemins qui descendent de Saint-Georges. Une relation de 1850, émanant du vicaire général Gridel, nous apprend que c’était « une église ancienne, de style ogival, d’un fort bon goût et d’une grande solidité ». Un autre document de la même année, dû à M. Mangeot, architecte à Toul, nous dit qu’elle contenait 300 places et qu’on lui a fait subir vers 1820 un allongement du chœur et un élargissement résultant de la construction de deux nefs collatérales. La tour était « dans œuvre ». Le cimetière était également autour de l’église.
Toutes les « hautes solennités » (première communion, confirmation) écrivait le curé de Saizerais en1853, se faisaient à l’église Saint-Amand, qui était la plus grande. Cependant le 20 juin 1741, M. Masson relate la confirmation à Saint-Georges par Mgr Bégon.
Parmi les confirmants, on lit les noms de Claude Geoffroy, Charles Toussaint, Sébastien Crabouillet, Joseph Doyotte, Barbe Gaudiol, etc…
Mais devant l’accroissement de la population au début du XIXe siècle, c’est l’église St Amand qui fut utilisée pour les cérémonies. C’est d’elle que provient vraisemblablement le magnifique bas-relief – qui pourrait être un ancien retable d’autel – représentant les douze apôtres avec le couronnement de la Vierge au milieu, et qui a été heureusement sauvegardé et transporté dans l’église actuelle ; c’est dommage qu’il est caché derrière les colonnes inférieures qui soutiennent l’autel de la Vierge, dans le bras du transept, côté Evangile.
Une nouvelle église.
En 1844 déjà, puis en 1849 le conseil municipal émit le vœu de remplacer les deux anciennes églises par une église plus grande située entre les deux Saizerais. Le 2 mars 1850, M. Mangeot. saisi du projet, présente un rapport favorable à la construction d’une nouvelle et termine ainsi :
« Les deux sections ont les mêmes intérêts et les mêmes droits. Jusqu’à présent la plus populeuse a semblé vouloir dominer la plus faible et cet état de choses se perpétuera tant qu’il aura deux clochers. Une église unique établie entre les deux villages aura pour résultat d’unir les deux localités, d’effacer les dissentiments qui existent entre elles, et de permettre au prêtre desservant de donner tout son temps à ses paroissiens réunis… Un nouveau presbytère à proximité de l’église projetée, et à pareille distance des deux villages, sera aussi construit. »
Mais quelques jours après une lettre du vicaire général Gridel au Préfet de la Meurthe donne un autre son de cloche : « Nous croyons, écrit-il, qu’il vaut mieux conserver les deux églises en raison du double intérêt de l’art et de la religion. » Après avoir rappelé l’ancienneté de ces églises, il ajoute: « Ces deux églises sont placées au centre des deux fractions de la commune et les fidèles ont la plus grande facilité de s’y rendre à toute heure et en tout temps. Si on les détruit pour en bâtir une nouvelle entre les deux Saizerais les habitants s’en trouveront éloignés de près d’un kilomètre et ne s’y rendront plus aussi facilement. »
De son côté le curé de Saizerais, tout en regrettant « de voir détruire la vieille et respectable église Saint-Amand », demande, si le projet de construction d’une église unique est réalisé, que le style ogival soit adopté car, écrit-il, « nous ne pouvons nous décider à voir nos vieilles voûtes consacrées par l’âge, le temps et la piété de nos pères, remplacées par un mesquin et chétif lambris, encore moins par un plafond » et il préconise « une belle église ogivale unique et centrale. »
La construction.
C’est précisément ce qui sera réalisé. Le 1er novembre 1853, M. Mangeot dresse les plans « d’une église conçue dans le style ogival tertiaire », et le 9 juin 1855, la commission des bâtiments de la Préfecture accepte le projet. La construction est confiée à l’entreprise Poirson et Béker, de Dieulouard : elle est menée rapidement puisque l’église sera livrée au culte en 1858. Les deux anciennes églises sont démolies et le terrain vendu à des particuliers et pendant les travaux, la messe est dite au gros Saizerais dans la maison de la famille Aubry.
L’architecte Mangeot a livré une grande et belle église. Voici en quelques mots ses caractéristiques essentielles :
Une grande nef de 8 mètres de large et deux petites nefs latérales de 4 mètres de large, ce qui fait 16 mètres pour la largeur totale. Hauteur du clocher : 30 mètres. Longueur totale de l’édifice : 36 mètres, chœur compris, sans compter la tour. Hauteur de la grande nef, du pavé à la clef de voûte : 13 mètres. Hauteur des petites nefs : 11 mètres 50.
La nef centrale y compris le transept peu apparent à l’intérieur a 5 travées séparées par de très beaux piliers palmés : la dernière plus longue, constitue l’avant cœur, son dernier doubleau servant d’arc triomphal dont les portants supportent les autels latéraux des bras du transept. Les 5 travées sont à croisée d’ogives avec doubleaux, une ouverture en arc brisé donnant sur les bas-côtés remplaçant les formerets. On retrouve ces 5 travées dans les nefs latérales également voûtées avec croisée d’ogives et doubleaux, mais sans formerets contre les murs, plus deux petites travées encadrant la tour qui est dans œuvre.
Le cœur a une travée identique à celles de la nef centrale et une abside polygonale impaire a 5 pans séparés sous les voûtes par 6 nervures se réunissant à une clef axiale.
Le portail gothique est surmonté d’une tribune voûtée avec croisée d’ogives et large clef ouverte, et éclairée par une très belle rose dont les grisailles rouges prennent des tons splendides au soleil levant.
Une inscription gravée dans la pierre, en entrant dans 1’église, a droite, rappelle la date de la mise en service du sanctuaire :
L’an de grâce 1858. cette église a été terminée sous l’administration de M. Lambert. Préfet; Ch. Thomas, maire; Joseph Tonne, adjoint Ch. Boiteux étant curé. F. Mangeot. architecte; Beker et Poirson. entrepreneurs.
Les cloches.
Le beffroi avec ses cloches provenait de l’ancienne église de Saint-Amand, mais en 1864 la fabrique vendit les deux plus grosses cloches à M. le Curé de Bonsecours à Nancy (au prix de 3 francs le kilo) et décida d’en faire fondre deux plus grosses (ré3 de 1 000 kilos et mi3 de 850 kilos) par M. Perrin-Martin. de Robécourt, pour qu’elles s’accordent avec la petite qui a été refondue (fa3 dièse de 650 kilos). La bénédiction des nouvelles cloches fut présidée en 1864 par M. le vicaire général Jambon et M. l’abbé Collin, curé de Liverdun.
Voici leurs inscriptions respectives :
Petite : Fondue l’an 1864, j’ai été payée par la fabrique des Saizerais sous l’administration de M. Antoine Bigot, maire, de Joseph Tonne, adjoint et M. Charles Joseph Boiteux, curé. J’ai eu pour parrain M. Pierre Gosserez, religieux dominicain et pour marraine M » » Anne Gillet épouse de M. Joseph Gillet qui. m’ont donné le nom d’Anne. A Saint Nicolas de Myre.
Moyenne : Fondue l’an 1864, payée par la fabrique des Saizerais sous l’Administration de MM. Antoine Bigot, maire, Joseph Tonne, adjoint, Charles Joseph Boiteux, curé, j’ai eu pour parrain M. Constant Baillot et pour marraine Mlle Victorine Marie Bigot qui m’ont donné le nom de Victorine. À Saint Amand et Saint Georges.
Grosse : J’ai été fondue l’an 1864 par la fabrique des Saizerais sous l’administration de MM. Antoine Bigot, maire, de C. Baillot, adjoint et de Charles Joseph Boiteux, curé. J’ai eu pour parrain M. Armand Doyotte, curé de Royaumeix et pour marraine Mlle Marie Moitrier épouse de M. Charles René qui m’ont donné le nom de Marie. Fonderie de Perrin-Martin, Robécourt (Vosges) A la Reine des Vierges.
Un cadeau de Napoléon III.
La même année 1864 le conseil de fabrique a fait restaurer l’armoire eucharistique rétablie dans la chapelle des fonts. Dans un inventaire de la même date, on signale « 5 statues anciennes à la chaire ». Nous n’avons pas pu les identifier.
En 1865, l’empereur Napoléon III donne à l’église un grand crucifix et deux chandeliers qui prendront place sur l’autel monumental édifié seulement en 1866 par J. Laurent aîné, sculpteur à Nancv.
Une courte inscription gravée dans la pierre et située à l’entrée de l’église à gauche se lit ainsi :Cette église a été consacrée sous le vocable de Saint-Amand et de Saint-Georges par Mgr Charles Allemand Lavigerie le 15 avril 1866.
Mais nous donnerons le texte complet, tiré du procès-verbal de la cérémonie, en y ajoutant la traduction :
« PAROCHIALEM HANC ECCLESIAM DEO IN HONOREM SS AMANDI ET GEORGII DD AERE MUNICIPALI ET CONTLATITIA STIPE FIDELUM A FUNDAMENTIS RECENS EXTRUCTAM CURANTE CAROLO JOSEPHO BOITEUX CURIONE FRANCISCO MANGEOT ARCHITECTO CAROLO THOMAS MUNICIPII PRAES R. P. D. CAROLUS MARTIALIS ALLEMAND LAVIGERIE |NANCEIENS1UM ET TULLLENS1UM EPISCOPUS SOLEMNNIBUS CEREMONIIS RITE CONSECRAVIT DIE XV APRILIS AN. SAL. MDCCCLXVI.
Traduction : Cette église paroissiale entièrement réédifiée par les soins de Charles Joseph Boiteux, curé, de François Mangeot, architecte, de Charles Thomas, maire, présentée en offrande à Dieu, en l’honneur de St-Amand et de St-Georges, sur le budget de la commune et avec la contribution des fidèles, a été rituellement consacrée en des cérémonies solennelles par notre Révérendissime Père en Dieu Charles Martial Allemand Lavigerie, évêque de Nancy et de Toul le 15 avril de l’an du salut 1866.
Les vitraux.
Dans la travée du chœur les vitraux sont de grisaille, mais les trois vitraux de l’abside sont l’œuvre du maître Gross, de Nancy. Celui du milieu est consacré aux deux patrons de la paroisse : Saint Amand pour le gros Saizerais et Saint Georges pour le petit. Dans celui du côté de l’Evangile on trouve la résurrection du fils de la veuve de Naïm et la promesse faite à Pierre d’être le Chef de l’église. Enfin, côté épître, nous voyons Jésus enfant dans l’atelier de Nazareth et une scène rap- pelant l’institution de la Sainte Eucharistie.
Dans le transept, le grand vitrail du côté de l’évangile rappelle les sacrements du mariage, de l’ordre et de l’eucharistie; celui du côté de l’Epître représente les trois vertus chrétiennes : la foi, l’espérance et la charité.
En bas de la nef, les vitraux des chapelles spécialisées qui encadrent la tour sont consacrés, comme il se doit, au baptême et au sacrement de pénitence.
La tempête de 1860.
Pour traduire la forte impression laissée au voyageur qui découvre de loin la grande et belle église de Saizerais, citons seulement ces quelques traits évoqués en 1861 par les entrepreneurs eux-mêmes, qui ne ménagèrent ni leur temps ni leur argent pour réaliser un monument remarquable.
Dans un rapport conservé aux Archives départementales, ils rappellent les paroles de Mgr l’évêque de Nancy, le jour de la bénédiction en 1858, qui les félicita devant toute la paroisse « sur l’ensemble du travail et sur le fini des détails. »
« Non seulement l’église est belle, mais elle est solidement construite, disent-ils encore, car, située a un kilomètre des Quatre-Vents, elle a résisté à un récent et terrible ouragan qui déracina les arbres du pays et enleva les clochetons de la belle église des Trois Maisons de Nancy ».
Samuel Germain
Continuer la lecture vers « Une monographie de Saizerais en 1888 [M. Boulangé] ».